Vers Arca Pedrouso sur le Camino Frances – Mes Chemins de Compostelle

Mercredi 14 octobre,
57e étape : Saint-Jacques-de-Compostelle est à 19 kilomètres

Arca Pedrouso
De Sobrado de los Monxes à Arca Pedrouso

J’entame ma 9ème semaine qui, en principe, devrait être courte. Il est 8h10, il fait encore sombre mais avec un ciel aussi limpide où luisent la lune et des étoiles le jour ne devrait pas tarder. Cette fois-ci je ne suis pas le dernier mais beaucoup sont déjà partis.

10h30, un peu après Boimorto. Jusqu’à présent il faisait plutôt froid, surtout à l’ombre, mais à présent il fait doux. Pendant longtemps j’ai été suivi par le groupe des jeunes Espagnols auquel c’est jointe Cleria. J’ai essayé de les semer, non pas qu’ils soient antipathiques, au contraire, mais ils parlaient joyeusement entre eux, parfois même ils chantaient, sans aucune interruption et j’aurais bien aimé me laisser aller au calme matinal. Puis, petit à petit, je me suis habitué à leur présence, à moins que je m’en sois fait une raison car ils sont dans la force de l’âge et je n’arrivais pas, malgré mes efforts, à creuser l’écart. Ils viennent de s’arrêter dans un bar : la route est à moi. Je devrais être à Arzua vers 13h. Qu’est ce que je vais bien pouvoir faire là-bas tout l’après-midi ? Autant continuer, ainsi je serai à Compostelle le 15, la veille de mon anniversaire, au diable les symboles, il faut suivre sa nature. A Boimorto j’aurais pu emprunter un raccourci qui permet d’éviter Arzua, mais j’ai envie de repasser dans mes traces de l’année dernière et voir à quoi ressemble ce tronçon quand il n’est pas sous une pluie torrentielle et glaciale.

Sous l’effet de la marche mon sac à dos a un mouvement d’oscillation verticale et, à mon avis, l’énergie provoquée par sa descente se répercute sur la marche, lui donne une accélération, une dynamique. Je suis à l’aise avec lui, comme une tortue avec sa carapace, tous les deux nous faisons corps, il pèse c’est sûr, mais c’est un poids confortable, rassurant.

Midi, pause dans une forêt d’eucalyptus, un peu à l’écart de la route, dans le lointain une moissonneuse travaille, c’est vivant. Décidément aujourd’hui je me trouve bien tolérant. Sagesse ou fatigue ? Margot et Jacques passent au loin sans me voir, sans doute pressés d’en finir et de prendre leur bus.

13h me voilà à Arzua. Devant l’auberge il y déjà une bonne dizaine de pèlerins qui attendent l’ouverture proche. Parmi eux, je remarque le « bulldozer » dont la présence renforce ma décision de passer mon chemin. J’ai choisi d’aller jusqu’à Pedrouso où, déjà, j’avais fait étape l’année dernière. L’auberge est vaste, le guide indique 88 places, proche du centre ville. Celle de Santa Irene, 3 km avant, est, elle, plus petite, un trentaine de places, et excentrée. Autant faire ce dernier gros effort de 40 km avant de se laisser couler vers Santiago sur les derniers vingt kilomètres. Je devrais y être vers les 17, 18h. En avant.

Il fait très beau et il n’y a pratiquement pas un chat sur le Chemin, pourtant j’ai fait ma jonction avec le surpeuplé Camino Frances. Le gros de la troupe est sans doute parti ce matin d’Arzua, et les autres marcheurs, qui, comme moi, viennent de plus loin s’égrainent sur le trajet. J’espère qu’il n’y en aura quand même pas trop, 88 places c’est à la fois beaucoup et peu sur cette partie du Chemin. On verra bien, jusqu’à présent il n’y a jamais eu de problème, je reste confiant, ou inconscient.

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Sous un beau soleil la campagne est riante et, à part quelques détails caractéristiques comme cet horreo qui, il y a peu de temps, enjambait le Chemin et dont les débris gisent aujourd’hui sur le bas côté, je ne reconnais presque rien. Le Chemin, qui l’an passé n’était plus qu’un ruisseau, prend aujourd’hui des allures de promenade.

16h45 je suis installé dans mon lit à Pedrouso. L’auberge est pleine ou peu s’en faut. J’y est retrouvé la population du Camino Frances, beaucoup d’asiatiques, de groupes. L’hospitalière qui tente de garder le contrôle face à cette affluence m’avait attribué un lit « du bas » au vu de la couleur de mes cheveux, geste attentionné en dépit du côté très administratif de l’accueil, place qui s’est avérée être déjà occupée. Certains pèlerins n’en font qu’à leur tête. Plutôt que de se battre elle a baissé les bras et m’en a attribué un autre. Un peu plus tard j’ai vu arriver Kristine puis, oh! surprise, Margot et Jacques décidés à ne pas se laisser voler leur fin de périple par une petite tendinite !

Après tous ces jours sur le Camino Norte je me sens dépaysé, nostalgique, presque étranger sur cet autoroute vers Compostelle où certains pèlerins font assaut d’élégance dans leur tenues dernier cri. Je passe un moment avec Kristine sur un banc au soleil où elle prend le repas qu’elle s’est préparé. Elle me propose de le partager mais j’ai envie de quelque chose de plus consistant accompagné par un vin local revigorant. Ce n’était pas le meilleur choix, être seul dans un restaurant médiocre n’est sans doute pas la recette idéale pour chasser le blues qui me gagne sur cette fin de voyage.

1779 kilomètres parcourus depuis Auffargis

 

2 réflexions au sujet de “Vers Arca Pedrouso sur le Camino Frances – Mes Chemins de Compostelle”

  1. Bandeau moutons
    Génial ce bandeau, une fois encore cette photo raconte tant de choses… Typiquement une image à proposer aux commentaires en atelier d’écriture, temps limité, imagination grande ouverte !

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